OREXIAL : des solutions digitales pour lutter contre la dénutrition en EHPAD

Interview de Rémy Arnaud, fondateur d’OREXIAL et de Benoît Bentouhami, directeur de la croissance.

Publié le 21 mai 2019

OREXIAL : des solutions digitales pour lutter contre la dénutrition Créée en 2016, la société OREXIAL conçoit des logiciels de soin, visant à améliorer la nutrition des résidents d'EHPAD ainsi que d'établissements de soins. L'entreprise s'attache à fournir des outils qui permettent à la fois de faciliter l'organisation du service des repas et la détection de la dénutrition. Ces solutions numériques simplifient également le suivi et la mesure de la renutrition. Interview de Rémy Arnaud, fondateur d'OREXIAL et de Benoît Bentouhami, directeur de la croissance.

LA Rédaction

Pouvez-vous vous présenter tout d'abord à nos lecteurs, en quelques mots ?

Rémy Arnaud

J'ai 52 ans et j'ai fondé Orexial fin 2016 pour répondre à différents enjeux. A l'époque, j'ai vécu une expérience douloureuse : la perte d'une grand-mère, dont l'état de santé s'est dégradé en bonne partie à cause de la dénutrition. A 50 ans, j'ai donc pris la décision de rejoindre ce monde, avec l'ambition d'améliorer les choses. J'ai en effet constaté que l'univers de la restauration est sous-digitalisé. Or, à l'heure d'aujourd'hui, il y a des outils dont on peut disposer tels que l'intelligence artificielle : donc je pense que l'on peut mieux faire. Partant de ce constat, je me suis immergé dans ce monde. J'ai passé du temps en cuisine à rencontrer des responsables de restauration, des directeurs d'établissement, des cuisiniers, etc... Une nouvelle fois, j'ai alors constaté la carence de l'outil. On arrivait à des aberrations, tels que des fichiers croisés modifiables de main en main. Tandis qu'en bout de ligne, les informations données aux chefs de cuisine sont erronées ou peu fiables.

Benoît Bentouhami

J'ai de mon côté un parcours très opérationnel. J'ai fait 6 ans de restauration commerciale sur de gros sites, jusqu'à 1500 couverts par service. J'ai également 13 années d'expérience dans le champ médico-social, aussi bien sur des fonctions d'hébergement que de direction d'établissement retraite. La dernière fonction que j'ai occupée était la direction d'un EHPAD de 114 lits. C'est entre autres sur la base de ces expériences que Rémy ARNAUD a choisi de me proposer le poste de directeur de la croissance au sein d'OREXIAL. Aujourd'hui, mon rôle est de diriger à la fois l'élaboration des produits et des gammes ainsi que leur commercialisation.

La Rédaction

Présentez-nous le concept d'Orexial, en quelques mots

Orexial

Nous sommes une société de software. Nous créons, élaborons et développons avec nos propres équipes des solutions adaptées aux besoins du secteur sanitaire et médico-social. Notre philosophie est de considérer que le plaisir alimentaire est le premier levier de lutte contre la dénutrition.

Aujourd'hui, nos trois offres s'appuient sur 2 produits.

  • Un logiciel de mesure de la satisfaction en mode agile : CareAdvisors,
  • Le baromètre Orexial, outil de mesure gratuite de la satisfaction des convives.

Nous proposons des questionnaires adaptables aux capacités des répondants, car nous connaissons bien la typologie des personnes âgées en EHPAD. Nos outils sont parfaitement adaptés aux contraintes opérationnelles. De plus, nous avons une conscience aiguë des problématiques de temps et de maîtrise des couts dans les EHPAD. Notre ambition est de déployer notre solution au niveau national. Chacun peut ainsi situer l'état de sa restauration et la comparer aux autres par exemple, afin de voir quels points peuvent être améliorés. L'enjeu n'est pas de noter pour noter bien évidemment. Mais plutôt de fournir un bilan standardisé permettant d'améliorer les points qui doivent l'être.

La Rédaction

A quelles problématiques répond plus spécifiquement votre offre ?

Orexial

L'organisation des repas est une prestation multi-factorielle. Elle concerne l'ensemble des services de l'établissement. Elle répond certes à un besoin primaire en fournissant de l'alimentation aux résidents. Mais elle génère également du lien social. Le restaurant est en effet un lieu de rencontre quasi permanent au sein des établissements. Et à travers le service des repas, on effectue également un acte de soin en luttant contre la dénutrition des personnes âgées. A ce titre, les chiffres restent, d'ailleurs, catastrophiques.

La Rédaction

Pouvez-vous faire un focus sur ce problème de dénutrition des personnes âgées dans les EHPAD ?

Orexial

En établissement de retraite, plus de 30% des personnes sont diagnostiquées comme dénutries. Ce chiffre passe à 40% dans le secteur hospitalier. Par ailleurs : 40% des réhospitalisation sont dus à un problème de dénutrition.
Il faut bien prendre conscience que la dénutrition est une « pathologie mère ». Elle peut, en effet, entraîner ou aggraver d'autres pathologies. Et quand on connaît le statut polypathologique des personnes âgées dans les maisons de retraite... c'est un aspect à côté duquel on passe trop souvent.

Mon expérience m'a montré qu'il est très compliqué de livrer le bon diagnostic du statut nutritionnel du résident. Mais on a encore plus de difficulté à assurer le suivi de l'efficacité des mesures de renutrition. Du côté des autorités sanitaires, l'objectif est de réduire de 30% le nombre de personnes dénutries de plus de 80 ans atteints dans les établissements. C'est un chiffre ambitieux mais atteignable au vu de la situation actuelle.

La Rédaction

Le fait de disposer de données plus précises peut donc permettre de résoudre en partie le problème de dénutrition des personnes âgées en établissement ?

Orexial

Il est clair que l'on ne peut pas lutter contre quelque chose que l'on ne cerne pas. Quand on part du postulat que l'alimentation est un sujet transverse dans les établissements, il faut disposer d'outils qui permettent à la fois d'identifier le risque de dénutrition et la manière dont on peut lutter. C'est précisément ce à quoi l'on s'attache aujourd'hui : fournir des outils qui permettent à la fois de faciliter l'organisation du service des repas et la détection du risque de dénutrition. Nos outils permettent également de simplifier le suivi et la mesure de l'efficacité du processus de renutrition. Ces objectifs existent depuis assez longtemps dans le référentiel qualité des autorités de tutelle et qui restent, globalement, très mal suivis. Dans une approche multifactorielle, différents éléments vont driver notre production. Les éléments purement « soin », voire « médicaux », dans certains aspects, puisque la définition de la dénutrition reste un tableau symptomatique (d'ailleurs, en cours de redéfinition). Nous allons également fournir des outils d'adaptation de la qualité de l'information par les services de soins, aux services de restauration. Car aujourd'hui, il y a deux approches quasi antinomiques entre les cuisines et les services de soin. D'un côté, un soignant a une « vision patient », c'est à dire, individuelle. D'ailleurs, cela fait partie de ses objectifs déontologiques. D'un autre côté, à l'autre bout de la chaîne de production, les cuisiniers vont fonctionner de manière collective. Le terme de « restauration collective » est d'ailleurs, lourd de sens. Il s'agit ici de produire « en masse » et par besoins homogènes. Cela va être d'abord pour des recettes qui sont liées à des régimes, ou à des texturations, variables selon les pathologies. Au final, ce sont donc 2 visions très différentes qui s'affrontent.
Or, dans ces métiers très peu digitalisés, les outils existants ne comblent pas cet écart de vision. C'est là que nous intervenons, en tant que producteur de logiciel. Nous opérons une consolidation des données de soin pour garantir la production d'un repas adapté pour chaque résident, pas uniquement au regard de ses besoins médicaux. Il va s'agir surtout de ne pas lui servir quelque chose qui lui déplaît ou encore un aliment qui pourrait être dangereux pour lui. En parallèle, nous allons aussi prendre en compte des notions telles que le « profil de mangeur». Objectif : contribuer à limiter les phénomènes de gaspillage alimentaire et automatiser le processus de commande de repas.

La Rédaction

Pour les directeurs d'établissement, vos outils sont synonymes de gain d'efficacité, et d'argent ?

Orexial

Notre objectif n'est pas de générer de l'économie, mais bien de dépenser de l'argent là où il est utile, ainsi que de redonner du temps aux personnels soignants. Car ces derniers n'ont pas vocation à courir après les fichiers et à croiser les informations !
Forcément, ces solutions ont un coût. Mais dans les réflexions, il faut tenir compte à la fois des coûts directs et des coûts cachés.


Nous avons réalisé une étude auprès d'un établissement partenaire de la région parisienne de 115 personnes. Nous avons calculé que chaque année, la gouvernante dépense un temps équivalent à 3800€ juste pour préparer la commande des repas. Un montant qui correspond à celui des denrées de deux personnes pendant un an. Ce coût est réel et nécessite d'être dépensé correctement, au bénéfice des résidents et de la qualité de travail des équipes. Nous connaissons bien les équilibres de gestion des EHPAD. Nous savons qu'ils sont parfois fragiles. C'est pourquoi nous avons à cœur de proposer des solutions qui soient les plus abordables possible en termes d'expérience utilisateur et de coût.

Par ailleurs, nous savons également que les utilisateurs de nos solutions sont une population qui n'est pas nécessairement fan d'IT. C'est pourquoi nous nous sommes attachés à faire une solution facile et vraiment « user friendly ».

La Rédaction

C'est notamment le cas de votre dernière solution Linq'Eat, qui est résolument facile d'accès ?

Orexial

Linq'Eat, intègre 3 niveaux fonctionnels, qui correspondent à ses différentes phases de développement.

La première brique fonctionnelle est un outil d'automatisation de la collecte des données de soin et de consolidation, à destination des équipes de cuisine. Elle comporte des connecteurs automatisés avec le logiciel de soins, des procédures de contrôle de qualité des données et une consolidation compréhensible pour les équipes de cuisine. Ce premier levier permet d'assurer une production au plus juste et au plus près des besoins des convives et résidents, avec tout ce qui est entièrement paramétrable en termes de recettes, textures, profil de mangeur etc.

La deuxième brique fonctionnelle va s'attacher à spécifier les besoins de chaque résident en fonction des menus de l'établissement. L'idée est ici d'automatiser en termes de trames de menus avec des catalogues d'ingrédients propres au client. Au lieu de dire qu'il faut 150 portions en recette normale texture mixée, on va plutôt dire : il faut 45 portions mixées, 35 sans sauce etc. On va pouvoir spécifier à la recette avec les dernières aides à la production, relativement poussées.

Enfin, la troisième brique fonctionnelle se rattache à notre ambition première : la quantification nutritionnelle de l'offre alimentaire de l'établissement. En utilisant les bases de données européennes, on pourra indiquer si les menus servis peuvent couvrir les besoins alimentaires de la population accueillie.

L'offre alimentaire sera quantifiée. De même, les besoins nutritionnels de chaque résident. On va donc pouvoir identifier de manière automatisée les écarts entre les besoins et ce que l'établissement propose. Tout cela, pondéré aux ingesta.

Ensuite, des alertes seront émises automatiquement pour des personnes dont le risque de dénutrition peut s'installer. Une sorte de « vigie nutrition », pour les équipes de soin. Grâce à notre solution matérielle, on va donc pouvoir mesurer au moins mensuellement l'efficacité de la renutrition. Ce qui est inédit aujourd'hui. Au quotidien, il est en effet nécessaire de faire un certain nombre de dosages sur des personnes dont le capital veineux est fortement dégradé. Dès lors, il sera possible de mesurer l'efficacité et d'adapter la politique de renutrition de manière individuelle. En cela, nous nous inscrivons réellement dans l'individualisation de la nutrition que l'on retrouve de plus en plus dans tout ce qui touche au bien-être par exemple.

La Rédaction

Quels sont vos retours sur les solutions proposées ?

Orexial

LinQ'Eat vient tout juste d'entrer en développement. La première version sera sur le marché au 4ème trimestre 2019. Elle sera testée par une association partenaire qui gère 4 établissements de retraite et dont les besoins sont très différents. Ensuite, nous allons développer petit à petit nos différentes briques fonctionnelles. La soution CareAdvisors est quant à elle sur le marché. Elle s'adresse à la fois aux EHPAD et aux cliniques psychiatriques. Aujourd'hui, nous avons vendu environ 120 licences et plusieurs milliers de questionnaires sont collectés chaque mois.

La Rédaction

Les retours des utilisateurs sont-ils positifs ?

Orexial

En termes de mesure de la satisfaction, on a souvent tendance à évoquer des outils gratuits notamment ceux développés par les gafa. Notre démarche est en fait d'associer nos clients au développement des fonctionnalités. Si bien qu'aujourd'hui, le produit CareAdvisors est vraiment au plus près de leurs besoins. Et c'est une différence fondamentale par rapport aux solutions standard !

Second engagement auquel nous sommes très attachés : notre outil est conforme aux RGPD. Les données de l'application sont stockées en France et nos clients en sont propriétaires. La CNIL a clairement affiché dans les 3 axes de contrôle qu'elle va mener au titre du RGPD et tout ce qui est autour de la sous-traitance en fait partie. Aujourd'hui, pour un exploitant d'EHPAD, c'est important de choisir un outil qui soit conforme aux RGPD et cela fait partie des éléments dont nous pouvons attester.

Par ailleurs, notre outil est utilisable sur n'importe quel appareil connecté à internet : PC, Mac, ou tablette. Nous disposons également d'une application Androïd qui permet d'utiliser CareAdvisors sur les tablettes dédiées aux soins. Là aussi, nous avons conscience qu'un EHPAD ne peut pas acheter 45 tablettes ! Nous avons donc créé un outil qui permet d'utiliser CareAdvisors de manière sécurisée, sans avoir besoin d'ouvrir un accès internet. Cette application est gratuite et mise à la disposition de nos clients. Notre idée est donc vraiment de packager un outil performant, confortable et abordable pour les professionnels du sanitaire et du médico-social.

La Rédaction

Quel est votre objectif pour les années qui viennent ?

Orexial

Nos objectifs sont modérément ambitieux, dans le sens où nous savons que nous nous adressons à un marché très morcelé. Nous avons d'ores et déjà des contacts avec d'importants acteurs. Pour une jeune société telle que la nôtre, cela assure un levier d'affaires important.

Notre ambition est surtout de nous positionner dans le « B to B to B ». Nos applications seraient mises à disposition de manière aisée et courte à l'ensemble des acteurs du médico-social, qui pour l'heure, n'a pas du tout l'habitude d'acheter de l'application sur internet ou les webstores. Pour autant, ces structures fonctionnent souvent avec des sociétés de conseil pour la restauration avec des groupements d'achat, avec des syndicats ou des fédérations etc.

Notre ambition est précisément de rentrer dans ce réseau, pour faire évoluer nos produits en fonction de certains retours terrain et opérationnels. Ainsi, nous mettrions à disposition nos outils à un nombre maximum d'établissements. Toutefois, nous ne sommes pas axés exclusivement sur l'axe lucratif. Ce que nous souhaitons, surtout, c'est explorer l'ensemble des réseaux qui permettent de toucher un maximum d'EHPAD et mettre ainsi nos solutions à disposition, facilement.